Lectures du week-end

Quelques leçons de Howard Marks tirées de son dernier mémo

Amiral Gestion va au Japon

Quelques idées du fonds Stanphyl Capital 

Un article Bloomberg sur Sears et Eddie Lampert (banqueroute probable de Sears dans les semaines qui viennent, voire une liquidation)

Bill Nygren commentaires sur le marché – Q3 2018

 

Lectures du week-end

Dernier mémo d’Howard Marks

Dane Capital Management toujours très bullish sur Limbach (article SA, lecture de l’article complet uniquement pendant quelques jours)

3 idées cheap & pas très sexy d’Old School Value

La vision de Druckenmiller sur la prochaine crise financière

Une interview de Peter Lynch

La Chine et nos cercles de compétences, article de Saber Capital

Sociétés en watch-list (pour PEA)

Je regarde beaucoup plus les sociétés américaines qu’européennes et ai envie de faire une watchlist de sociétés européennes. L’idée est de savoir où investir demain quand les valorisations seront à la baisse (ce qu’on anticipe sans avoir de boules de cristal bien entendu). Je balaye d’un coup d’oeil les sociétés, sans creuser à fond le business model et leurs avantages compétitifs. Néanmoins, jeter un coup d’oeil à leurs comptes et leur business permet déjà de les avoir en tête.

Je commence avec les entreprises citées dans cet article (excellent blog au passage) :

Miko : société belge gérée par une famille, 2 lignes de business : de la torréfaction et distribution de café et de la fabrication et vente de plastiques (essentiellement pour l’emballage de l’industrie alimentaire et pharmaceutique). Un chiffre d’affaires de 205 millions d’euros l’année dernière, une croissance modérée sur 5 ans, des marges d’Ebitda de 10% à 13% , un bilan assez costaud (21m de dette nette), des retours sur capitaux légèrement inférieurs à 10%.

Pour une analyse plus approfondie qu’un simple « scan » / photo d’identité, il faudrait analyser les 2 lignes de business.

Côté valorisation, j’ai aujourd’hui une EV de 159 millions d’euros et un EBIT 2018 (clôture en mars ’18) de 16,3m, soit un EV/EBIT de 9,8. Cela ne me semble pas très cher vu la croissance de l’entreprise, mais ce n’est pas cheap non plus. Je creuserai le dossier si la valorisation descend (cours de l’ordre de 90 à 100 euros, pour un cours à 111 euros aujourd’hui).

TFF Group : ou Tonnellerie Frères François. Très belle société familiale française, qui revendique 30% de parts de marché mondiales dans la fabrication de fûts pour vins & alcools (bourbon). Une belle croissance des ventes (de l’ordre de 10% par an sur 5 ans) et un objectif 2020 de 300 millions pour 60 millions d’EBIT. Le bilan est solide et les marges sont belles (supérieures à 20%), quoique l’entreprise est assez consommatrice de ressources quand on regarde les retours sur capitaux (environ 8%). Sur les chiffres du management (donc 2020), à un cours de 42,75 euros, on paye 14x l’EBIT (et 18x l’EBIT 2018, qui est de 48 millions d’euros). Je la trouve à son prix aujourd’hui et serai prêt à creuser s’il y a un trou d’air demain (ce que j’espère fortement).

Installux : une des plus belles sociétés de qualité et cheap en Europe d’après le blog value&opportunity. Je serais plus mesuré car s’il est vrai qu’Installux peut être une très belle entreprise, on est dans le domaine du bâtiment, et les multiples sont généralement plutôt bas dans ce secteur et ce n’est pas demain la veille que les valorisations vont monter à 10 ou 15x l’EBIT. A noter que le bilan est très solide (trésorerie nette de dettes de 42 millions d’euros) et que c’est une très bonne chose. Aujourd’hui, la société est cheap (6,4x l’EBIT ou 4,9x l’EBITDA). A priori, d’un premier coup d’oeil mais je peux me tromper car je n’ai pas creusé, les marges ne sont pas très hautes et l’allocation du capital sûrement pas optimale. Ce dossier est à creuser…

 

NACCO : des mines de charbon pas comme les autres…

J’ai connu cette société grâce à deux blogs (Clark Street Value et Gannon on Investing), suite au spin-off de Hamilton Beach.  Une industrie détestée, un spin-off, un modèle de business peu commun, un profil de baisse limité : autant de raisons de s’intéresser à cette société.

Nacco est une société américaine qui exploite des mines de charbon sur un modèle bien particulier. A l’instar d’autres sociétés minières, qui exploitent des mines et vendent la matière sur le marché aux prix des commodités (et qui sont donc dépendantes de la volatilité des prix), Nacco a un business model qui s’apparente plus à une société de services : elle possède les mines mais vend sous des contrats long-terme à prix fixe le charbon, les fluctuations du prix de marché (« spot coal ») sont ainsi éliminées. Le modèle de revenus est un « management fee » qui comprend le remboursement des coûts opérationnels plus un fee basé sur les tonnages livrés.

Extrait du dernier rapport annuel :

Customer contracts typically are based on a “management fee” approach, whereby North American Coal’s compensation includes reimbursement of all operating costs, plus a comparatively small but consistent fee on each ton of coal or cubic yard of limerock delivered.

Le financement de l’opérationnel de ces mines n’est pas assuré par Nacco mais directement par ses clients (ce qui signifie que la dette n’est pas consolidée dans les comptes et les revenus/coûts non plus). On peut voir les chiffres de ces mines non consolidées dans les « Earnings of unconsolidated mines ». 

Les mines se situent au Dakota du Nord, au Mississipi, en Louisiane et au Nouveau-Mexique (noms des mines : Bisti, Caddo Creek, Camino Real, Coteau, Coyote Creek, Demery, Falkirk, MLMC et Sabine). Coteau, Coyote, Falkirk, MLMC et Sabine sont des mines de lignite et Bisto et Camio des mines de charbon sous-bitumeux, toutes utilisées pour produire de l’électricité. Caddo Creek et Demery (lignite) donnent du charbon actif. Toutes ces mines sont situées à côté de leurs clients et en sont l’unique fournisseur (excepté Camino Real). Une vue sur Google Earth permet de voir que les centrales thermiques sont en effet sur le site minier.

Hormis MLMC, toutes les mines citées ne sont pas consolidéees dans les comptes.

C’est ici que le business est très intéressant : on a une très forte dépendance clients (par la proximité et l’unicité de la ressource en matière). La lignite (ou houille brune) est un charbon de basse qualité : (source)

Compte tenu du faible pouvoir énergétique du lignite, de grandes quantités sont nécessaires pour alimenter des centrales thermiques de forte puissance et le transport n’est pas rentable sur de longues distances. Les centrales thermiques doivent en conséquence être situées à proximité immédiate des mines.

MLMC est consolidée car Nacco supporte tous les coûts et le capital pour faire tourner la mine. Le charbon est vendu sur un prix contractuel ajusté sur des indices d’inflation.

La valeur de Nacco se situe dans ces actifs non consolidés. Non seulement les dettes sont « non-recourse », mais la seule variable d’ajustement sont les tonnages : moins de volumes livrés impliquent moins de revenus. Nous n’avons pas de risque de commodité dans ce business. Les mines ont le même profit par tonne livrée, ajusté de l’inflation avec le temps. Les contrats expirent entre 2022 et 2055. 2022 au plus tôt pour Coteau, avec un renouvellement de 5 ans ou une fin en 2037. S’il y a rupture d’un contrat, le client a un engagement de payer la book value de la mine non consolidée (je rappelle : les mines sont des actifs de Nacco).

Que disent les finances de l’entreprise?

A l’heure de la rédaction de cet article, le bilan est solide et la société ne porte pas de dette long-terme (dette de $15m pour $80m de cash). On pourrait inclure toutes les dettes considérées long-terme (asset retirement & pension obligations, deferred obligations…) pour être plus conservateur et retenir une dette de $135m (soit une dette nette de $55m de dollars). La capitalisation boursière est d’environ 250 millions de dollars et la valeur d’entreprise (capitalisation boursière – cash + dettes long-terme) de 305 millions de dollars.

Si on regarde les tonnages livrés sur 10 ans et qu’on estime les profits par tonnage, on peut avoir une idée de la valeur de ces actifs.

Récap_chiffres

En prenant 35 millions de tonnes de charbon par an, soit environ 5 tonnes par action, et un profit moyen net de l’ordre de $0.9/action, les profits sont de $4.5/action. J’estime que ces profits sont des profits « cash », les D&A sont supérieures aux dépenses d’investissement sur les 3 dernières années et il y a de l’amortissement d’actifs intangibles (entre 2 et 3 millions par an) qui viennent diminuer les profits comptables.

A un cours de l’ordre de 37 dollars l’action, le multiple des profits cash assigné à Nacoal est d’environ 8, ce qui semble relativement bas vu le profil de l’entreprise (business model et profil de risque).

On n’a certainement pas un multi-bagger en puissance avec Nacco, mais le risque de baisse paraît très limité étant donné la solidité du business.

AMF : j’ai des actions Nacco. 

Pour aller plus loin :

C’est pas net-net ici…

Tous ceux qui se sont un peu intéressés au value investing sont tombés un jour sur les fameuses « nets-nets ». J’aimerais bien y investir une partie de mon capital suite à plusieurs réflexions et expériences personnelles. En effet, j’ai envie à l’avenir d’avoir part de mon capital investie avec une méthode plus quantitative et faisant moins appel à interprétation/jugement que l’investissement dans de très belles sociétés à prix attractifs. James Montier a montré que des retours supérieurs à 30% pouvaient être atteints avec un panier de nets nets sur la période 1985-2007 (on n’a malheureusement pas le détail de sa méthode). Autant d’arguments pour s’intéresser à ces sociétés non alléchantes au premier abord…

Je vais expliquer (ou rappeler pour ceux qui connaissent) dans les grandes lignes en quoi consiste l’investissement dans des sociétés dites « nets-nets ». La méthode est décrite dans le livre L’investisseur intelligent de Graham & Dodd et a été popularisée entre autres par Warren Buffett au début de sa carrière.

L’idée fondamentale est d’investir dans une société qui présente une décote sur ses actifs tangibles (sa capitalisation boursière est inférieure au cash net de toutes les dettes). On ne prête pas attention ici à la qualité du business.  Dans les actifs non-courants, on pourra en inclure certains (parc immobilier par exemple).

Un portefeuille de nets-nets devra être diversifié afin de se couvrir (certains recommandent un portefeuille d’un minimum de 10 sociétés, l’idéal étant au moins 20). On pourra concentrer dans certains cas exceptionnels, en étant convaincu que la société ne brûle pas de cash et a une situation qui s’améliore. Si plusieurs sociétés consomment du capital, la marge de sécurité peut s’éroder le temps passant. De plus, on ne s’intéresse pas à la qualité du business, mais il faut quand même estimer la valeur de la société (croit-elle avec le temps ou diminue-t-elle? ou reste-t-elle constante? si une société s’échange à une fraction de sa valeur comptable tangible et que le marché continue de l’évaluer ainsi, que peut-il se passer?).

J’ai retenu plusieurs critères (du livre et de plusieurs blogs) afin de sélectionner les meilleurs nets-nets :

  • Exclure les sociétés chinoises (pour éviter les magouilles des petites sociétés),
  • Un Price-to-NCAV inférieur à 66% de la valeur du NCAV (critère de Benjamin Graham),
  • Un ratio Dette/Capitaux propres inférieur à 25%,
  • Des bénéfices sur les années passées (4 ans est un minimum),
  • Un cours égal ou supérieur à la NCAV sur les années passées (4 ans aussi),
  • Une société qui a des affaires en cours ou qui est en cours de liquidation (pas de “sleeping business” qui ont du cash et n’en font rien, il faut une société qui vit).

Dans les critères purement quantitatifs, on pourra retenir :

  • Des actifs courants au moins 2 fois supérieurs aux passifs courants, ou 1,5x mais qui croissent avec le temps,
  • Des petites capitalisations, i.e inférieures à 100 millions (de dollars ou d’euros, pas des pesos du Venezuela),
  • Un « petit » Price-to-Net cash (capitalisation boursière/(cash – dettes – actions préférentielles – engagements hors bilan).

Dans les critères qualitatifs, certains écartent les financières, les sociétés de real estate (immobilières), les ADR ou les closed funds. Je suis moins sélectif, notamment sur les financières, il n’est pas rare qu’une petite banque d’affaires par exemple puisse avoir une décote sur ses actifs tangibles. Ce sera toujours plus aisé de sélectionner des sociétés dont on comprend le business.

Les situations privilégiées seront les suivantes :

  • Société qui rachètent ses actions,
  • Les managers sont actionnaires, et encore mieux ils achètent encore des actions,
  • Pas de ventes massives d’actions des insiders (des petites ventes peuvent passer, mais pas en bloc),
  • Les rémunérations des managers sont en accord avec la taille / activité de la société (on évite les managers qui “saignent” l’entreprise),
  • Le valeur du NCAV ne doit pas fondre comme neige au soleil, mais à peu près stable ou mieux croître (sinon c’est notre marge de sécurité qui fond également),
  • La présence de catalyseurs est toujours un plus (mais ce n’est pas forcément facile à détecter).

Dans les ressources intéressantes :

 

Derichebourg au plus bas, opportunité d’investir dans un ferrailleur?

Derichebourg frôle son cours le plus bas depuis 1 an, l’occasion donc de se plonger dans l’étude de cette société numéro 1 en France des « ferrailleurs ».

L’entreprise a deux activités : le recyclage de ferrailles et métaux et une branche ‘multiservices’ (propreté, intérim, services aéronautiques…). Le recyclage représente la majeure partie des ventes (70%) et des profits (88%).

Quelques mots sur l’activité du recyclage : l’entreprise s’occupe de collecter les déchets (chutes de production, ferraille de démolition, déchets électriques et électroniques, véhicules hors d’usage, etc.) chez ses clients, les dépose dans ses centres de tri et les trie pour les revendre.

Derichebourg est un vrai « ferrailleur », i.e spécialisée sur ce type de déchets à l’inverse de ces concurrents français (Veolia Environnement, Suez Environnement, Paprec, GDE pour les plus gros, et des PME locales (le marché s’est fortement concentré depuis 15 ans)). Elle dit avoir environ 30% de part de marché dans la collecte et le traitement des déchets ferreux/non-ferreux et environ 25% sur les véhicules hors d’usage.

Le business model est relativement simple (du moins en apparence), la société facture de la prestation de services (location de matériel, transport, tri) pour une partie de ses revenus et vit également de la revente des matières recyclées (appelées alors « matières premières secondaires »).

Le plus gros des revenus est lié à la revente des matières (plus de 80% des ventes en 2017) et sont donc liés aux prix de marché de ces matières. Pour la ferraille (87% des tonnages du groupe), les prix fluctuent sur 4 ans entre 160 et 280 euros la tonne. Pour les métaux non-ferreux (aluminium, cuivre, inox, plomb et quelques métaux rares), le dernier rapport annuel précise que “ces dernières années, les métaux non ferreux sont devenus une classe d’actifs financiers, rendant leurs prix plus volatils”. Si je prends l’exemple de l’aluminium (1er métal récupéré, environ 27% des tonnages de métaux traités par le groupe), les prix du lingot ont varié entre $1500 et $2100 sur les quatre dernières années. Autre exemple, le nickel, dont les prix varient du simple à plus du double (entre 8000 et 19000$ sur la même période).

Autrement dit, la marge dégagée sur la part vente de matières est corrélée à la cyclicité des marchés de ces matières premières.

La part de chiffre d’affaires plus résiliente est la prestation de services, mais elle ne concerne « que » 17% du CA en 2017 (10% en 2009). Cycle ou pas cycle, une fois que nous avons un client sous contrat, déposé des contenants (bennes, bacs…) et avons un service de récupération régulier, cela est facturé. Le contenu des bennes peut être moindre bien entendu, mais la part de location/transport/tri est toujours là (seul le tri est facturé à la tonne d’après mon expérience).

Le métier est consommateur de capitaux par définition puisque semi-industriel, nécessité d’avoir des broyeurs, cisailles, inducteurs, matériels de collecte, de tri, etc. Sur les 5 dernières années, elle a investi en moyenne 50 millions d’euros en capex.

Côté management, Daniel Derichebourg dirige la société et sa famille en détient 40% (50% en janvier 2017 mais cession de 10% à un prix de 8 euros l’action). L’homme a une réputation d’être très discret et on pourra remarquer qu’il ne se verse pas un salaire démesuré pour une entreprise de cette taille (240k€/an). C’est anecdotique mais la voiture mise à sa disposition par la société est une Citroën C2. Je ne suis pas sûr qu’il utilise mais bon, ça m’a fait rire. Ses 2 fils sont aux manettes de chacune des activités Recyclage et Multiservices.

Côté valorisation, à un cours de 5,14 euros l’action, on a une capitalisation boursière de 842 millions d’euros et une valeur d’entreprise de l’ordre de 854 millions d’euros (si je prends le cash et les dettes long terme du dernier rapport annuel, je n’ai pas intégré les engagements hors bilan, mais il faudrait en toute rigueur). A 122 millions d’EBIT, on a une valorisation EV/EBIT de 7, ce qui me paraît correctement pricé vu l’activité (je connais le recyclage mais ne maîtrise pas assez le monde de l’acier, de la sidérurgie pour savoir où nous en sommes aujourd’hui). Si on prend les free cash-flows et environ 90 millions de FCF en 2018, on a EV/FCF de 9,5.

Le management a été vendeur à un cours de 8 euros, donc on peut penser que c’est une valeur assez proche de la valeur intrinsèque de l’entreprise (hypothèse qui peut être fausse bien entendu). J’estime de mon côté la juste valeur de l’entreprise autour de 6,5 / 7 avec un DCF « coin de table ». Je pourrais être acheteur à environ 4 euros/action.